L’art contemporain et le monde de la restauration ?

Comme le savent de nombreux collectionneurs, les matériaux contemporains s’usent, rouillent, moisissent, se décolorent, fermentent, s’infestent d’insectes, s’éteignent, se sèchent. Pour en savoir plus, nous en avons parlé avec Marc-Arthur Kohn, commissaire-priseur parisien et spécialiste de l’art contemporain.

Pierre Granier : Même s’il n’en est plus le propriétaire, l’artiste conserve de nombreux droits sur la vie de l’une de ses œuvres. Quel devrait être son rôle dans les processus de conservation et de restauration?

Marc-Arthur Kohn : Selon le droit européen, la figure de l’artiste est plus protégée que celle du propriétaire. Aussi, le rôle du conservateur est parfois celle de médiateur entre l’artiste et le propriétaire. L’artiste a le droit de refuser qu’une œuvre ne soit pas conservée ou restaurée comme il le souhaite ou de manière inappropriée. Il peut considérer que cela porte atteinte à son honneur ou à sa réputation.

En revanche, s’appuyer sur l’artiste pour remédier aux dommages subis par l’une de ses œuvres est une voie qui s’est souvent révélée désastreuse, notamment à cause du mauvais choix des matériaux à utiliser pour l’intervention. De plus, cette attitude contraste totalement avec les principes de la restauration. En effet, souvent les artistes, quelques années après la réalisation de leur œuvre, ont la tentation de modifier ou de retravailler leur création en fonction de leur évolution artistique. Le cas d’une œuvre de Sterback appartenant à un musée canadien a fait sensation, mais après une série de changements au fil des ans, l’artiste elle-même l’a désavouée. Il est donc souhaitable qu’à la fin de l’acte de composition, le maître publie une sorte de document qui guide la main du restaurateur et dans lequel sont indiquées la licéité de l’action de restauration et le degré d’intervention.

Pierre Granier : S’il est vrai qu’il vaut mieux toujours prévenir que guérir, quel conseil donneriez-vous à un collectionneur privé pour préserver de manière adéquate les œuvres qu’il possède ?

Marc-Arthur Kohn : L’acte de conservation doit commencer au moment de l’achat. Il faut signaler que les lieux habités, ainsi que les studios professionnels, ne sont pas des endroits dans lesquels les exigences en termes de conservation (température, humidité) peuvent être respectées. Paramètres du musée thermo-hygrométrique peuvent être respectés. Cependant, ce sont les petites astuces, les petites actions qui, au fil des ans, peuvent faire la différence. Ce qui est de plus en plus demandé par les collectionneurs, c’est le suivi de leurs œuvres, généralement tous les six mois, pour vérifier et contenir les problèmes conservateurs dès qu’ils se produisent; même de simples poussières, dans des conditions particulières, peuvent déclencher la prolifération de moisissures et de bactéries, même sur les plastiques ».

Pierre Granier : Et dans le cas d’œuvres destinées à un espace ouvert?

Marc-Arthur Kohn : La démarche est la même, avec l’ajout d’une variable supplémentaire : le contexte naturel qui doit être maintenu aussi proche que possible de celui choisi par l’artiste pour faire dialoguer son travail avec l’environnement lui-même. Tout cela en soutenant toujours la volonté de l’auteur. Je me souviens de l’histoire d’un grand collectionneur qui, dans son merveilleux parc, avait une œuvre de Staccioli. On s’attendait à ce que le mur exposé au nord se recouvre de mousse avec le temps, heureusement un restaurateur avait proposé de nettoyer ce manteau vert.

Pierre Garnier : En achetant des œuvres sur le marché secondaire, rien ne dit état de conservation parfait. Avant de procéder à l’achat et, par la suite, à une restauration éventuelle, quelles évaluations un collectionneur doit-il effectuer ?

Marc-Arthur Kohn : Lorsque vous achetez des œuvres sur le marché secondaire, vous ne pouvez pas garantir qu’elles ont été correctement conservées et n’ont pas été restaurées de façon inappropriée. Avant d’acheter une œuvre d’art n’hésitez pas à consulter un restaurateur de confiance. Certains conservateurs que j’ai parmi mes connaissances, on parfois fait de longs voyages pour accompagner mes clients et les rassurer ou les prévenir contre un achat. Il m’est souvent arrivé de faire de longs voyages pour accompagner mes clients et les rassurer ou les prévenir de tout achat. Généralement ce sont des moments inoubliables car la même passion ardente pour l’art est partagée, même si sous deux perspectives, hélas, très différente! ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*